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5 mars 2018 1 05 /03 /mars /2018 15:27
Art aborigène
Sculptures aborigènes Bagu, Queensland

Le  chant du volume…

eroa, acronyme, n'est pas échappé d'un idiome préhistorique mais nomme un lieu commun à tous au cœur de l'établissement pour accueillir l'Autre et devenir hôte.

L'espace rencontre avec l'œuvre d'art (eroa) est pensé pour recevoir, deux fois par an, une exposition qui, par la présence de l'œuvre, et de l'artiste parfois, offre aux élèves, aux individualités naissantes, de croiser d'autres regards, d'autres histoires pour qu'à leur écoute chacun puisse se grandir dans le dialogue.

Rencontre entre l'œuvre et le collectif, rencontre entre l'œuvre et l'intime. Ainsi se posent des amers, des semis qui font ou feront le parcours de découverte et d'apprentissage de chaque élève se faisant hôte en s'ouvrant à l'Autre.
    
Dès l'ouverture de la porte, la tête se met à l'envers, prend la tasse dans un passage pour l'autre bout du Monde. Très vite, le regard se rassure en reconnaissant des formes animales, mais il n'en reste pas moins que d'étranges créatures promènent leurs silhouettes et regards en parallèle des premiers pas dans l'espace, où l'inconnu prédispose à l'écoute pour ne pas rester à l'écart.

Chaque élève entrant a, par le travail plastique mené en amont, des clés pour entrer en dialogue avec les œuvres en volume de l'Art Aborigène.

Les plus jeunes des collégiens retrouvent une figure connue de la conquête du feu : Chikka-Bunnah par le truchement des Bagu. Cet esprit du feu, créateur des étoiles filantes dans le firmament  du Temps du Rêve, a été représenté en volume par les élèves. Le choisissant lui ou, en contrepoint, notre classique Prométhée, la clé opère et les jeunes 6ème écoutent l'origine des Bagu, les usages et abordent la mémoire transmise par les artistes contemporains.

Ces mêmes Bagu intriguent les élèves de 5ème qui perçoivent leur caractère d'objet usuel, du quotidien. Mais ces élèves, ayant travaillé sur l'esthétisation d'un objet de leur quotidien pour qu'il devienne un objet d'art ne s'y trompent pas et mesurent le travail des artistes par le surcroît de sens conféré à l'objet. Les artistes se sont éloignés de l'objet en bois initial permettant pour l'homme aborigène responsable de la communauté de maîtriser le feu si précieux et utile à la vie. Le statut d'objet d'art que les élèves ont parfois atteint dans leurs réalisations  les éveille à l'art présent chez les Bagu qui sont œuvres à part entière en évoquant la mémoire d'un geste, en incarnant un récit pour que la loi qui subsiste soit transmise et puisse concourir à l'équilibre des forces de la nature et des grands ancêtres.

Mais, il n'y a pas que les Bagu dans l'exposition qui peuvent  retourner au visiteur son regard. Un Mimih et deux séduisantes Yawkyawk semblent en conversation tout en ne semblant pas se soucier plus que cela de notre présence humaine.

Les élèves de 3ème reprennent la piste des chants commencée par eux au travers des peintures aborigènes exposées deux ans auparavant. A peine une seconde dans la conscience au monde de la Culture Aborigène, mais presque déjà une éternité pour les élèves habitués à la vitesse du monde occidental, habitués au renouveau du présent toujours actualisé où la minute passée est déjà de l'oubli, perte, sauf à être sauvée par la mémoire si l'individu y trouve son intérêt individué, loin d'un sentiment et d'une conscience collectifs.

Cependant, les élèves relèvent les peintures couvrant les corps étrécis, s'étonnent de ne pas retrouver le Dot Painting des peintures de Papunya, du désert central. Les Rarrk des peintures dites au " rayon x " sur écorce n'étaient pas présentes dans la précédente exposition, mais les élèves se souviennent de l'importance des peintures corporelles explicitées par Valérie Mégard dans son film " Sur les traces de la fourmi à miel ".

Ils réalisent alors que ces personnages filiformes ont des traits presque humains : gros nez, yeux et bouche...et par le visage, cette fenêtre au monde, les élèves se demandent qui sont ces êtres à petits bras, jambes courtes à la limite de la queue de poisson. Ils ne savent pas si bien dire, et ne se doutent pas que ses créatures qu'ils contemplent composent un peuple voisin des aborigènes, peuple présent sur terre bien avant eux et qui par le partage d'une même langue, lors sans doute d'une nuit sans vent, a transmis aux hommes élus, initiés, bien des savoirs pour survivre : l'art de la chasse par exemple mais aussi celui des chants. Mais également la conscience d'être au Monde, de savoir ce qui y vit, ce que l'on peut lui prendre et ce que l'on doit lui rendre.    
Ne rien voler à la nature, ne prélever que le nécessaire, ne pas abuser de ce qu'elle offre sous toutes ses formes végétale, animale ou minérale.

Sculpture aborigène australienne, Maningrida, Terre d'Arnhem
Sculpture aborigène Yawkyawk


Un secret s'ébruite dans l'échange, deux de ces trois créatures sont des jeunes femmes, menues, sans formes féminines évidentes mais arborant une queue de poisson. Ou plus précisément un corps animal des eaux magiques, des lieux sacrés, un corps animal qui se satisfait d'une part humaine. Créature séductrice qui la nuit abandonne son appendice pour des jambes, pour voyager sur terre et parmi les hommes.

La séduction du récit enchante, les élèves se laissent porter par le Rêve aborigène. Eux qui pourtant ont confectionné des êtres à mi-chemin entre la sculpture, le volume et la marionnette pour donner un semblant de vie à une créature imaginaire enfuit d'un monde contigu, pas toujours effrayante mais souvent monstrueuse. La forme minimale, la sobriété des sculptures Mimih et yawkyawk intriguent, les élèves mesurent l'écart entre le foisonnement de leurs créatures et la quasi invisibilité des trois figures qui occupent, habitent nos esprits par leur présence.

Quant aux élèves de 4ème, eux aussi précédemment marcheurs des chants de piste, ils s'étonnent de la présence d'animaux marins quand la précédente exposition livrait plutôt les empreintes du varan ou de l'abdomen de la fourmi à miel. Les méduses, le Milk fish sont faits de filets de pêche, des résidus de l'exploitation industrielle de la mer. Les Ghostnets incarnent une faune qu'il faut protéger, défendre avant qu'elle ne disparaisse réellement et que les eaux, les rivages, ne soient plus que fantôme d'eux-mêmes.

Les artistes aborigènes donnent vie artistique aux animaux de la mer dont certains sont leurs ancêtres et ils luttent pour que survive leur Culture et que les déchets se convertissent en œuvres témoins. Bien au-delà d'une prise de conscience écologique, ils veillent à l'équilibre des sites mais aussi à la mémoire des grands ancêtres, à vivre une philosophie du Monde avec la pleine conscience d'en faire partie. Conscience que la société occidentale a pour partie étouffée, oubliée pour d'autres idéaux, dogmes mais en s'éloignant du matriciel rapport à la nature, au sol, aux éléments, au point de devoir tenter d'en retrouver le chemin par le politique.
    
Les élèves de 4ème n'ont pas réalisé d'animaux en volume mais des instruments de musique en matériaux de récupération. La musique est prégnante dans leur quotidien, elle leur permet d'expliquer son importance et son rôle dans la Culture Aborigène, ainsi que la danse qui paraît dans la présence de la coiffe de danse " requin marteau " de Ken Thaiday Snr.

Sculpture indigène australienne, Détroit de Torres, Queensland
Coiffe cérémonielle - Beizam, le Requin-marteau

Les élèves saisissent, tout à la fois, la pensée aborigène et la réalité écologique, la nécessité de protéger notre Monde qui ne peut plus être interprété comme immuable et la nécessité de repenser même la notion de déchet, de résidus. Sous bien des aspects, nous sommes au chevet de la nature et espérons que les Ghostnets ne seront pas les derniers témoins d'une vie marine…

La magie de cette exposition est qu'elle nous fait quelque peu passeur, relais du savoir mis en partage par Stéphane Jacob au travers de la beauté des œuvres qu'il nous a confiées pour que l'on transmette, en toute humilité, un pan de la Culture Aborigène. On entre dans le chant de cette exposition sans imaginer combien elle va nous conter la vie, repousser nos frontières et interpeller nos regards. L'on sort grandi de la rencontre, car notre monde n'est plus si étroit, du moins espérons-le. Et parions que si découvrir l'Autre est un étonnement, cela soit aussi l'accueil de son altérité.

Enfin, si l'exposition parle tant aux regardeurs qui s'y aventurent, c'est qu'ils perçoivent un chant du volume. Le chant du volume mène le regardeur sur d'autres pistes qui le révèle à soi-même.


Yann Stenven
Professeur d'Arts Plastiques
Collège A.Chatelet, Douai.

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15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 10:04
Peinture aborigène décoration boeing
Hommage à Emily Kame KNGWARREYE

Qantas a fait décorer un nouvel avion de sa flotte en s'inspirant des motifs et de l'oeuvre d' Emily Kame KNGWARREYE.

Emily Kame (communauté d'Utopia) fut la première artiste femme aborigène a être reconnue sur la scène internationale. L'Australie rendit un hommage posthume à cette grande dame du désert en la choisissant  pour représenter l’Australie à la Biennale de Venise en 1997.

Depuis lors sa cote n'a cessé d’augmenter et ses oeuvres atteignent régulièrement des records dans les ventes aux enchères.

Où voir une oeuvre d'Emily Kame KNGWARREYE ?

Voir des oeuvres de la communauté d'Utopia

Lire l'article dédié à cet évènement

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 16:38
Art aborigène pointilliste
Une peinture de l'artiste aborigène Shanna Williams

Shanna Williams évoque avec cette toile le Rêve de l’Eau.  La légende dit qu’au Temps du Rêve, un Ancêtre parti du nord-ouest de Yuendumu alla à Mikanji et déclencha une énorme tempête. Deux vieilles femmes aveugles levèrent leurs yeux vers le ciel et se mirent à pleurer, créant ainsi la pluie. Pour les Aborigènes, leurs esprits sont encore présents sur ce lieu sous la forme de deux arbres (gommiers rouges) que l’on peut voir près des marais.

L’artiste a choisi de représenter cette légende en peignant simplement des marécages vus du ciel qui sont la conséquence des pluies.

Voir cette oeuvre

Où trouver des oeuvres aborigènes en France ?

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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 12:51
Exposition de sculptures aborigènes, Genève

Il ne vous reste plus que quelques jours pour visiter l'exposition "Australie : la défense des océans. L'art des ghostnets (sculpture aborigène)" à l'Université de Genève (entrée libre).

Australie : la défense des océans. L'art des ghostnets (sculpture aborigène)

jusqu'au vendredi 12 janvier 2018

+ d'info

Où trouver des sculptures aborigènes ghostnet ?

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14 décembre 2017 4 14 /12 /décembre /2017 10:29
Art aborigène, Berlin
Une exposition exceptionnelle d'art aborigène à Berlin

 

Exposition "Indigenous Australia: Masterworks from the National Gallery of Australia"

me Collectors Room Berlin
du 17 novembre 2017 au 2 avril 2018

La National Gallery of Australia (NGA) et le me Collectors Room Berlin présentent à Berlin une exposition d'art aborigène et insulaire du détroit de Torres.  Après avoir été présentée en Australie, cette exposition exceptionnelle donne un aperçu sur l'une des cultures les plus anciennes et les plus complexes de l'histoire de l'humanité.

La National Gallery of Australia détient la collection la plus riche d'art australien indigène. Cette exposition est ainsi l'occasion d'apprécier les multiples facettes de cet art à travers des oeuvres anciennes mais également des pièces contemporaines comme des photographies de Michael Riley, des vidéos de Christian Thompson ou bien encore des installations. Nous sommes fiers que des oeuvres des artistes dont nous défendons le travail depuis de nombreuses années soient présentées : Alick Tipoti, Emily Kame Kngwarreye, Clifford Possum Tjapaltjarri, Gulumbu Yunupingu, Paddy Jupurrurla Nelson, Rover Thomas [Joolama], Paddy Japaljarri Sims, Christian Thompson, Ray James Tjangala, Tim Leura Tjapaltjarri, Timmy Payungka Tjapangarti, John Mawurndjul

+ d'info sur le site de la fondation

Voir des oeuvres d'art aborigène d'Australie

 

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6 décembre 2017 3 06 /12 /décembre /2017 09:54
peinture aborigene, sculpture aborigène, oeuvres d'art
Un article du Parisien sur l'exposition d'art aborigène à la Celle Saint Cloud

Une exposition d'art aborigène exceptionnelle à voir à la Celle St Cloud

Jusqu’au 17 décembre, à l’Hôtel de Ville.
8, avenue Charles de Gaulle
tous les jours de 15 heures à 18 heures
Entrée libre

Lisez l'article du Parisien

Où trouver des oeuvres d'art aborigène vendues avec certificats d'authenticité délivrés par un expert

 

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2 novembre 2017 4 02 /11 /novembre /2017 10:05
Le Mont sacré des Aborigènes
Uluru

Bientôt plus personne n’aura le droit de grimper Uluru (Ayers Rock), rocher sacré des Aborigènes Anangu d’Australie

 
Une bonne nouvelle et un article à lire sur Big Brower, un blog du Monde
 
 

 
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20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 09:12
Australie : roadtrip

 

Retrouvez sur le site du New York Times le carnet photographique d'Adam Ferguson ainsi que son article sur le roadtrip qu'il a effectué dans l'arrière-pays australien, parcourant près de 20 000 km en trois mois.

Pour voir des oeuvres d'art australiennes, c'est ici.

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12 juillet 2017 3 12 /07 /juillet /2017 11:37
Un maillot de rugby habillé de motifs aborigènes
@kurtley_beale

 

 

 

 

 

La culture des Aborigènes d'Australie à l'honneur

Le joueur de rugby Kurtley Beale voulait que son équipe rende hommage à la culture aborigène de son pays et aux Aborigènes et Insulaires du détroit de Torres qui ont enrichi les rangs de l'équipe nationale australienne au fil des décennies. Son rêve vient d'être exaucé puisque l'équipe de rugby nationale va porter un maillot décoré de motifs aborigènes retranscrits par l'artiste Dennis Golding.

Lisez à ce sujet l'article en anglais du Rugby.com.au

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3 juillet 2017 1 03 /07 /juillet /2017 14:55
Opéra de Sydney

Afin de célébrer le 50ème anniversaire du référendum de 1967 en Australie qui changea la constitution et officialisa la volonté des authorités de traiter les Aborigènes et Insulaires du détroit de Torres comme étant des citoyens égaux aux autres, une animation réalisée à partir de 5 oeuvres d'artistes indigènes australiens (Jenuarrie (Judith Warrie), Frances Belle Parker, Alick Tipoti ainsi que deux artistes décédés : Lin Onus and Minnie Pwerle),  est projetée pendant un an sur le toit de l'opéra de Sydney, tous les soirs à partir de 19h00.
Cette projection coincide avec la NAIDOC Week qui célèbre chaque première semaine de juillet en Australie l'histoire et la culture des Aborigènes et Insulaires du détroit de Torres.

Nous sommes fiers que "Mulungu", une linogravure d'Alick Tipoti, ait été choisie pour réaliser cette installation vidéo. Voici le commentaire d'Alick Tipoti sur cette oeuvre :
“Malungu désigne la mer dans la langue Kala Lagaw Ya des Maluilgal de Zenadh Kes (détroit de Torres). On voit sur cette gravure deux chasseurs regagner leur île après être partis en mer chasser le Dhangal (dugong) et le Waru (tortue). Les motifs dans le ciel représentent Zibazib (le coucher du soleil) après une journée entière de chasse en mer, ou Bani (l’aube) dans la nuit sombre juste avant la lumière du jour. Les deux animaux étaient pris selon une méthode traditionnelle, avec un wap (harpon) posé sur l’épaule du Buai Garka (chasseur). On remarque les Kuyuri (flèches) plantées dans le dos des bêtes.”

Voir la vidéo sur guardian.co.uk

Des oeuvres d'alick Tipoti sont exposées en Europe au musée d'ethnographie de Genève (MEG) ainsi qu'au Künstler Bei Wu (Allemagne)

Alick Tipoti

 

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Présentation

  • : Le blog de la galerie Arts d'Australie • Stéphane Jacob, Paris
  • : Stéphane Jacob, diplômé de l'Ecole du Louvre, spécialiste de l'art australien contemporain, expert C.N.E.S. en art aborigène, a créé en 1996 la galerie Arts d'Australie · Stephane Jacob en France à Paris dans le XVIIe arrondissement. Expert en art aborigène. Membre de la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en Objets d’Art et de Collection (C.N.E.S.) - Membre du Comité Professionnel des Galeries d'Art - Officier honoraire de l’Ordre d’Australie Retrouvez-nous sur www.artsdaustralie.com
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