Mutura Goiga - Calm Time, 2007 (eau-forte). - Dennis Nona / AAPN - Collection Musée d'Art et d'Histoire, Rochefort
En général, lorsqu’on évoque l’art aborigène australien contemporain, on pense tout de suite à ces toiles de style pointilliste, peintes par des artistes femmes et hommes, la plupart du temps
avec des cotons tiges. Lorsqu’on découvre les œuvres de Dennis Nona, on sent qu’elles appartiennent à la même culture, tout en se distinguant nettement des peintures dites du désert central.
Cosmogonie. La première grande différence vient justement d’une situation géographique tout autre. Loin des terres australiennes, Dennis Nona est né en 1973 sur l’île de Badu
dans le Détroit de Torres, situé entre la Nouvelle-Guinée, au nord, et l’Australie, au sud.
En conséquence, les références culturelles et cultuelles dans lesquelles il a baigné en tant qu’insulaire, sont assez éloignées de celles des autochtones du continent. Or, lorsqu’on sait
l’importance de la cosmogonie, de la référence constante aux récits des ancêtres et au monde des esprits qui caractérisent la culture aborigène, on comprend l’attachement de Nona aux légendes
mais à celles, naturelles pour lui, de son archipel et de l’univers marin.
On ne trouvera donc pas ici les mêmes héros et mythes fondateurs racontant l’origine de l’organisation du monde. Ni même de «Jukurrpa», ce fameux «Temps des rêves» propre aux communautés de
Papunya, Alice Springs ou Yuendumu, avec le «Rêve de la fourmi à miel» ou le «Rêve du kangourou à Marnpi».
Dentelles. En revanche, ses œuvres évoquent les courants, les «vagues boxeuses», la pluie, le vent, les «surrka» (dinde sauvage), «mutluk» (oiseau), «zugngurpu» (tortue)… Elles
représentent des hommes qui partaient de nuit, sur leurs canoës, chasser les dugongs, parlent du sazi, une racine spéciale qui endort les poissons, ou racontent l’histoire de Sesserae, un jeune
homme qui se transforme en oiseau. A cet égard le petit catalogue édité pour l’occasion, en explicitant certaines œuvres, permet de mieux comprendre tous ces récits.
Enfin, troisième étonnement, Dennis Nona ne pratique pas la peinture, mais la sculpture et surtout la gravure. Et en ce qui concerne cette discipline, il atteint indéniablement des sommets
techniques avec des pièces extrêmement travaillées qui sont de véritables dentelles ou d’autres monumentales comme Yawarr, une linogravure inouïe de six mètres de long, ou
Mutuk une eau-forte de plus de cinq mètres.
La soixantaine d’œuvres rassemblées, dont une partie a été exposée à l’ambassade d’Australie à Paris au début de cette année, révèle de belle manière la profonde singularité du travail de Nona.
En plus de leur force plastique, elles lui permettent de faire connaître sa culture, une dimension importante pour celui qui se voit comme un passeur d’images, d’histoires, de rêves.
L'exposition est prolongée jusqu'au 31 décembre au Musée d'art et d'histoire de Rochefort (17).
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