Les œuvres de Damien Hirst de la série «the Veil series » ont provoqué beaucoup d’émotion dans le milieu de l’art aborigène.
En effet, l’artiste britannique, représenté par la Galerie Gagosian, a présenté en mars 2018 un ensemble de vingt-quatre toiles pointillistes qu'il a peintes en 2017. Si ces motifs évoquent d’après Damien Hirst des influences du Post Impressionnisme, mis au point par Seurat, Signac ou Bonnard, leur ressemblance avec les œuvres de l’artiste aborigène Emily Kame Kngwarreyeest plus que troublante.
Une oeuvre de Damien Hirst peinte en 2017 (à gauche) et une oeuvre d'Emily Kame peinte en 1991 (à droite)
C’est pour cela que des artistes de la communauté d’Utopia, dont Barbara Weir, proche parente d’Emily, se sont récemment indignées de la proximité des styles. Difficile d’être en désaccord avec elles lorsque l’on compare les dernières œuvres de Damien Hirst avec celles d’Emily ou bien encore celles de Polly Kngale. Quand en plus de cela on sait qu’une œuvre de 8 mètres de long peinte par Emily a été exposée à la Royal Academy de Londres en 2013 et que sa réputation à l’internationale n’est plus à faire….
Néanmoins, tout utilisateur d’internet se voit inondé de milliers d’images tout au long de l’année qui entrent dans son inconscient et influencent son ressenti et son humeur sans qu’il s’en rende compte. De même, tout créateur se voit forcément lui-même influencé par ce flot d’image sans forcément s’en rendre compte...
Il est malgré tout difficile de ne pas comprendre l’émotion suscitée par cette affaire chez les membres de la communauté d’Utopia pour qui une oeuvre n’est pas simplement appréciée pour sa qualité esthétique mais également – et avant tout – pour l’histoire sacrée qu’elle représente et qui est la propriété inaliénable du membre d’un groupe familial.
Dans son dossier "Sydney, la nouvelle destination touristique arty de l'Australie", Madame Figaro recommande à ses lectrices de visiter la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob (expert en art australien) avant de partir à Sydney.
Payu NAPALTJARRI, "Payu NAPALTJARRI", Payu NAPALTJARRI, 87 x 28 cm, 2017
Avec cette toile la femme peintre aborigène Payu NAPALTJARRI célèbre le trou d’eau sacré de Ngaminya, situé au sud ouest de la communauté de Kiwirrkura, dans le désert central australien. La légende raconte que des Grands Ancêtres-femmes y firent étape et cueillirent des raisins sauvages, ou “kampurrarpa”.
Les formes en “U” représentent ces ancêtres mais aussi les femmes qui aujourd’hui encore célèbrent des cérémonies pour leur rendre hommage. Les cercles concentriques symbolisent quant à eux des trous d’eau.
Emily Kame Kngwarreye 1910-1996 KAME- SUMMER AWELYE II, 135 x 300 cm (c) Photo : Sotheby's
La vente aux enchères organisée à Londres le 14 mars dernier par Sotheby’s atteste de l’intérêt toujours grandissant pour l’art aborigène sur la scène internationale. En effet, cette vente qui réunissait des acheteurs venus du monde entier a permis de battre de nouveaux records dans le domaine.
Premier constat : la cote d’Emily Kame Kngwarreye ne cesse d’augmenter. Sa toile Kame-Summer Awelye II, 1991 était le lot phare de la vente et a été adjugée pour £309,000 (AUD $547,391), devenant ainsi la deuxième oeuvre la plus chère de l’artiste.
Ces lots provenaient de deux collectionneurs réputés : l’Américain Dennis Scholl et le Suisse Stefano Spaccapietra, tous deux attachés, comme Sotheby's et nous-mêmes, à la provenance de leurs œuvres. Ainsi, toutes les œuvres aborigènes contemporaines provenaient exclusivement de centres d’art ou de sources honorablement connues sur la place.
Voir ici le compte-rendu de la vente en anglais écrit par Jane Rafan.
L'art aborigène à Art Paris Art Fair 2018, Grand Palais, stand A2
L'art aborigène contemporain et l'art des Insulaires du détroit de Torres seront à l'honneur sur le stand de la galerie Arts d'Australie • Stéphane Jacob qui présentera plus de 80 oeuvres.
Du jeudi 5 au dimanche 8 avril 2018 Art Paris Art Fair 2018 Grand Palais - Paris 8ème Stand A2
Horaires : Jeudi 5 avril de 11h30 à 20h Vendredi 6 avril de 11h30 à 21h Samedi 7 avril de 11h30 à 20h Dimanche 8 avril de 11h30 à 19h
Céline RIPOLL, Contes des sages aborigènes, Seuil, 2018.
Les Contes des sages aborigènes écrits par Céline Ripoll, parus aux éditions du Seuil, illustrent la magie des mythes et légendes d’Australie.
Céline Ripoll conduite par le cheminement de Martin Préaud, docteur en anthropologie sociale et ethnologique, guide notre regard à travers vingt-cinq contes, pour desceller l’univers fascinant des aborigènes: « Ces gens n’ont pas construit de cathédrales de pierres que tous peuvent admirer, les cathédrales qu’ils ont construites ce sont leurs rêves, leurs lois, leur vie en harmonie avec le monde qui les entoure ».
Ces histoires nous amènent à comprendre le regard qu’ils portent sur l’invisible, grâce aux paroles et aux gestes des anciens. A l’unisson, ces récits s’accordent à transmettre des valeurs fortes, pour changer son regard sur le monde.
Ce livre de poche satisfera la curiosité de celles et ceux qui sont restés de grands enfants. Il a été illustré en grande partie avec des photos d’oeuvres provenant de la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob créées par : Mati MUDJIDELL, NANDABITTA, Serianne Butcher, Margie Leo NAPURRURLA.
Originaire de Yuendumu dans le désert central australien, Helen Reed Napangardi évoque avec cette œuvre le Rêve de Mina Mina qui appartient aux femmes Napangardi et Napanangka, deux clans féminins du groupe des Warlpiri.
Cet épisode se produisit au « Temps du Rêve » - temps mythique de la création du monde pour les Aborigènes - dans la région sacrée de Mina Mina, à l’ouest de Yuendumu. Alors qu’un groupe de femmes Ancêtres de tous âges ramassait de la nourriture et collectait de la ngalyipi (ou vigne-serpent, sorte de liane qu’on utilise comme une cordelette pour accrocher des sacs sur ses épaules ou même comme remède contre les maux de tête) tout en célébrant des cérémonies, des bâtons à fouir (karla-ngu) sortirent du sol. Elles s’en saisirent puis continuèrent leurs pérégrinations en dansant et en créant des sites sacrés - rochers, points d’eau, etc. - tout au long de leur voyage mythique qui les emmena très loin des limites de leur territoire clanique, jusque dans le Queensland.
Les symboles peints sur la toile font référence aux différents épisodes de l’histoire. Ainsi, les lignes sinueuses qui entourent les formes oblongues sur le tableau représentent la ngalyipi, tandis que les cercles concentriques symbolisent les truffes du désert.
Comme la plupart des artistes du Désert Central, Helen Reed a recourt à la technique du "dot painting" (ou « pointillisme ») propres aux toiles « satellitaires » du désert. À l’origine, ces pointillés servaient à souligner les contours des objets et des lieux représentés. Sur toile, leur usage a vite été systématisé au point de devenir la « marque de fabrique » de la peinture aborigène contemporaine. Dans le même temps, chaque artiste propose sa version du pointillisme, et la maîtrise de cet art est devenue aussi l’un des critères d’appréciation des œuvres.
Vous pouvez voir cette peinture pointilliste ainsi que d'autres oeuvres aborigènes dans la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob, Paris. Prendre un rendez-vous.
eroa, acronyme, n'est pas échappé d'un idiome préhistorique mais nomme un lieu commun à tous au cœur de l'établissement pour accueillir l'Autre et devenir hôte.
L'espace rencontre avec l'œuvre d'art (eroa) est pensé pour recevoir, deux fois par an, une exposition qui, par la présence de l'œuvre, et de l'artiste parfois, offre aux élèves, aux individualités naissantes, de croiser d'autres regards, d'autres histoires pour qu'à leur écoute chacun puisse se grandir dans le dialogue.
Rencontre entre l'œuvre et le collectif, rencontre entre l'œuvre et l'intime. Ainsi se posent des amers, des semis qui font ou feront le parcours de découverte et d'apprentissage de chaque élève se faisant hôte en s'ouvrant à l'Autre.
Dès l'ouverture de la porte, la tête se met à l'envers, prend la tasse dans un passage pour l'autre bout du Monde. Très vite, le regard se rassure en reconnaissant des formes animales, mais il n'en reste pas moins que d'étranges créatures promènent leurs silhouettes et regards en parallèle des premiers pas dans l'espace, où l'inconnu prédispose à l'écoute pour ne pas rester à l'écart.
Chaque élève entrant a, par le travail plastique mené en amont, des clés pour entrer en dialogue avec les œuvres en volume de l'Art Aborigène.
Les plus jeunes des collégiens retrouvent une figure connue de la conquête du feu : Chikka-Bunnah par le truchement des Bagu. Cet esprit du feu, créateur des étoiles filantes dans le firmament du Temps du Rêve, a été représenté en volume par les élèves. Le choisissant lui ou, en contrepoint, notre classique Prométhée, la clé opère et les jeunes 6ème écoutent l'origine des Bagu, les usages et abordent la mémoire transmise par les artistes contemporains.
Ces mêmes Bagu intriguent les élèves de 5ème qui perçoivent leur caractère d'objet usuel, du quotidien. Mais ces élèves, ayant travaillé sur l'esthétisation d'un objet de leur quotidien pour qu'il devienne un objet d'art ne s'y trompent pas et mesurent le travail des artistes par le surcroît de sens conféré à l'objet. Les artistes se sont éloignés de l'objet en bois initial permettant pour l'homme aborigène responsable de la communauté de maîtriser le feu si précieux et utile à la vie. Le statut d'objet d'art que les élèves ont parfois atteint dans leurs réalisations les éveille à l'art présent chez les Bagu qui sont œuvres à part entière en évoquant la mémoire d'un geste, en incarnant un récit pour que la loi qui subsiste soit transmise et puisse concourir à l'équilibre des forces de la nature et des grands ancêtres.
Mais, il n'y a pas que les Bagu dans l'exposition qui peuvent retourner au visiteur son regard. Un Mimih et deux séduisantes Yawkyawk semblent en conversation tout en ne semblant pas se soucier plus que cela de notre présence humaine.
Les élèves de 3ème reprennent la piste des chants commencée par eux au travers des peintures aborigènes exposées deux ans auparavant. A peine une seconde dans la conscience au monde de la Culture Aborigène, mais presque déjà une éternité pour les élèves habitués à la vitesse du monde occidental, habitués au renouveau du présent toujours actualisé où la minute passée est déjà de l'oubli, perte, sauf à être sauvée par la mémoire si l'individu y trouve son intérêt individué, loin d'un sentiment et d'une conscience collectifs.
Cependant, les élèves relèvent les peintures couvrant les corps étrécis, s'étonnent de ne pas retrouver le Dot Painting des peintures de Papunya, du désert central. Les Rarrk des peintures dites au " rayon x " sur écorce n'étaient pas présentes dans la précédente exposition, mais les élèves se souviennent de l'importance des peintures corporelles explicitées par Valérie Mégard dans son film " Sur les traces de la fourmi à miel ".
Ils réalisent alors que ces personnages filiformes ont des traits presque humains : gros nez, yeux et bouche...et par le visage, cette fenêtre au monde, les élèves se demandent qui sont ces êtres à petits bras, jambes courtes à la limite de la queue de poisson. Ils ne savent pas si bien dire, et ne se doutent pas que ses créatures qu'ils contemplent composent un peuple voisin des aborigènes, peuple présent sur terre bien avant eux et qui par le partage d'une même langue, lors sans doute d'une nuit sans vent, a transmis aux hommes élus, initiés, bien des savoirs pour survivre : l'art de la chasse par exemple mais aussi celui des chants. Mais également la conscience d'être au Monde, de savoir ce qui y vit, ce que l'on peut lui prendre et ce que l'on doit lui rendre. Ne rien voler à la nature, ne prélever que le nécessaire, ne pas abuser de ce qu'elle offre sous toutes ses formes végétale, animale ou minérale.
Sculpture aborigène Yawkyawk
Un secret s'ébruite dans l'échange, deux de ces trois créatures sont des jeunes femmes, menues, sans formes féminines évidentes mais arborant une queue de poisson. Ou plus précisément un corps animal des eaux magiques, des lieux sacrés, un corps animal qui se satisfait d'une part humaine. Créature séductrice qui la nuit abandonne son appendice pour des jambes, pour voyager sur terre et parmi les hommes.
La séduction du récit enchante, les élèves se laissent porter par le Rêve aborigène. Eux qui pourtant ont confectionné des êtres à mi-chemin entre la sculpture, le volume et la marionnette pour donner un semblant de vie à une créature imaginaire enfuit d'un monde contigu, pas toujours effrayante mais souvent monstrueuse. La forme minimale, la sobriété des sculptures Mimih et yawkyawk intriguent, les élèves mesurent l'écart entre le foisonnement de leurs créatures et la quasi invisibilité des trois figures qui occupent, habitent nos esprits par leur présence.
Quant aux élèves de 4ème, eux aussi précédemment marcheurs des chants de piste, ils s'étonnent de la présence d'animaux marins quand la précédente exposition livrait plutôt les empreintes du varan ou de l'abdomen de la fourmi à miel. Les méduses, le Milk fish sont faits de filets de pêche, des résidus de l'exploitation industrielle de la mer. Les Ghostnets incarnent une faune qu'il faut protéger, défendre avant qu'elle ne disparaisse réellement et que les eaux, les rivages, ne soient plus que fantôme d'eux-mêmes.
Les artistes aborigènes donnent vie artistique aux animaux de la mer dont certains sont leurs ancêtres et ils luttent pour que survive leur Culture et que les déchets se convertissent en œuvres témoins. Bien au-delà d'une prise de conscience écologique, ils veillent à l'équilibre des sites mais aussi à la mémoire des grands ancêtres, à vivre une philosophie du Monde avec la pleine conscience d'en faire partie. Conscience que la société occidentale a pour partie étouffée, oubliée pour d'autres idéaux, dogmes mais en s'éloignant du matriciel rapport à la nature, au sol, aux éléments, au point de devoir tenter d'en retrouver le chemin par le politique.
Les élèves de 4ème n'ont pas réalisé d'animaux en volume mais des instruments de musique en matériaux de récupération. La musique est prégnante dans leur quotidien, elle leur permet d'expliquer son importance et son rôle dans la Culture Aborigène, ainsi que la danse qui paraît dans la présence de la coiffe de danse " requin marteau " de Ken Thaiday Snr.
Coiffe cérémonielle - Beizam, le Requin-marteau
Les élèves saisissent, tout à la fois, la pensée aborigène et la réalité écologique, la nécessité de protéger notre Monde qui ne peut plus être interprété comme immuable et la nécessité de repenser même la notion de déchet, de résidus. Sous bien des aspects, nous sommes au chevet de la nature et espérons que les Ghostnets ne seront pas les derniers témoins d'une vie marine…
La magie de cette exposition est qu'elle nous fait quelque peu passeur, relais du savoir mis en partage par Stéphane Jacob au travers de la beauté des œuvres qu'il nous a confiées pour que l'on transmette, en toute humilité, un pan de la Culture Aborigène. On entre dans le chant de cette exposition sans imaginer combien elle va nous conter la vie, repousser nos frontières et interpeller nos regards. L'on sort grandi de la rencontre, car notre monde n'est plus si étroit, du moins espérons-le. Et parions que si découvrir l'Autre est un étonnement, cela soit aussi l'accueil de son altérité.
Enfin, si l'exposition parle tant aux regardeurs qui s'y aventurent, c'est qu'ils perçoivent un chant du volume. Le chant du volume mène le regardeur sur d'autres pistes qui le révèle à soi-même.
Qantas a fait décorer un nouvel avion de sa flotte en s'inspirant des motifs et de l'oeuvre d' Emily Kame KNGWARREYE.
Emily Kame (communauté d'Utopia) fut la première artiste femme aborigène a être reconnue sur la scène internationale. L'Australie rendit un hommage posthume à cette grande dame du désert en la choisissant pour représenter l’Australie à la Biennale de Venise en 1997.
Depuis lors sa cote n'a cessé d’augmenter et ses oeuvres atteignent régulièrement des records dans les ventes aux enchères.
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Le blog de la galerie Arts d'Australie • Stéphane Jacob, Paris
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Stéphane Jacob, diplômé de l'Ecole du Louvre, spécialiste de l'art australien contemporain, expert C.N.E.S. en art aborigène, a créé en 1996 la galerie Arts d'Australie · Stephane Jacob en France à Paris dans le XVIIe arrondissement. Expert en art aborigène.
Membre de la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en Objets d’Art et de Collection (C.N.E.S.) -
Membre du Comité Professionnel des Galeries d'Art -
Officier honoraire de l’Ordre d’Australie
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